L’Afrique contemporaine cherche à se réapproprier son histoire, à honorer ses figures révolutionnaires et à transmettre un héritage de lutte et de dignité aux générations futures. Dans cette dynamique, l’inauguration du mausolée de Thomas Sankara, le 17 mai 2025 à Ouagadougou, s’impose comme un acte de reconnaissance historique et un message politique et géopolitique fort. Cette cérémonie, marquée par la présence de nombreux représentants des pays frères et amis du Burkina Faso, a transcendé la simple commémoration pour s’inscrire dans une continuité panafricaine, celle de la quête d’une souveraineté réelle et d’une justice historique.
L’érection de ce mausolée au cœur du Mémorial Thomas Sankara, sur plus de 14 hectares, est le fruit d’un projet ambitieux visant à inscrire durablement la mémoire de l’ancien président burkinabè et de ses douze compagnons, assassinés lors du coup d’État du 15 octobre 1987. Plus qu’un monument funéraire, cet espace deviendra un lieu de transmission, intégrant un musée dédié à la révolution sankariste, une école de formation politique et une place des martyrs, afin que la pensée de Sankara irrigue les esprits des générations futures. L’événement a été marqué par une forte charge symbolique et émotionnelle. Vingt-et-un coups de canon ont retenti, et les gerbes de fleurs déposées par les délégations africaines ont souligné le caractère solennel du moment. Parmi les personnalités présentes figuraient des représentants de l’Alliance des États du Sahel (AES), comprenant le Mali et le Niger, ainsi que le Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko et des dignitaires tchadiens notamment le Premier ministre. La famille de Jerry Rawlings, ancien président ghanéen dont l’histoire révolutionnaire résonne avec celle de Sankara, a également tenu à participer à cet hommage.

Dans son discours, le Premier ministre Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo, porte-voix du Capitaine Ibrahim Traoré, a affirmé que ce mausolée constitue une réponse au néocolonialisme et à la domination impérialiste. Il ne s’agit pas uniquement de rappeler un passé tragique, mais de s’en servir comme pierre angulaire d’une nouvelle dynamique politique et intellectuelle. Les autorités burkinabè ont ainsi décidé de donner aux douze compagnons de Sankara une place dans l’espace urbain : douze rues de Ouagadougou porteront désormais leurs noms, inscrivant leur héritage dans la vie quotidienne des Burkinabè.
L’inauguration du mausolée de Thomas Sankara dépasse le cadre national et s’inscrit dans un mouvement panafricain de réhabilitation des figures révolutionnaires. Elle interpelle également sur la nécessité pour les pays africains de contrôler leurs narratifs historiques et de refuser les tentatives d’effacement de ceux qui ont porté les aspirations du peuple. En honorant Sankara, le Burkina Faso rappelle au monde que les idées ne meurent pas, et que le combat pour l’autodétermination continue, porté par les esprits de ceux qui ont sacrifié leur vie pour l’Afrique.
Eric Moïse NKOUANDOU M.